Geishas : gardiennes des arts japonais
- Publié le : 29/03/2025
- Par : La rédaction
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Les geishas, ces figures emblématiques de la culture japonaise traditionnelle, incarnent l'essence même de l'art et du raffinement nippon. Littéralement "personnes d'arts", elles consacrent leur vie à la pratique des arts traditionnels japonais pour divertir une clientèle fortunée. Souvent mal comprises en Occident et confondues avec des prostituées, les geishas sont en réalité des artistes accomplies et des gardiennes d'un patrimoine culturel unique. Leur présence dans la société japonaise représente un pont vivant entre tradition et modernité. Leur nombre a considérablement diminué au fil du temps, passant de plusieurs milliers au XVIIIe siècle à moins de 200 aujourd'hui, principalement en raison de la difficulté de l'apprentissage et des sacrifices personnels qu'exige cette voie.
Les origines historiques du métier de geisha
Le terme "geisha" a été officiellement reconnu comme métier à part entière dans la seconde partie du XVIIIe siècle. L'histoire des geishas commence avec l'ouverture des maisons de thé (ochaya) dans les quartiers de plaisirs au début du XVIIIe siècle. Contrairement aux idées reçues, les premiers geishas étaient des hommes, appelés taikomochi ou hôkan, dont le travail consistait à divertir les clients par des chants et de la musique.
Dans les années 1750, les femmes ont commencé à intégrer cette profession sous le nom de "onna geisha" (femme geisha) ou "geiko" à Kyoto. Rapidement, elles sont devenues plus nombreuses que leurs homologues masculins, qui prirent alors le nom d'"otoko geisha" (homme geisha) pour se différencier. Dès 1800, la profession était devenue exclusivement féminine.
En 1779, le gouvernement japonais a officialisé le métier de geisha et créé un bureau d'enregistrement (kenban) pour les recenser et faire respecter la loi qui interdisait les relations sexuelles entre les geishas et leurs clients. La réforme Tenpō, au milieu du XIXe siècle, a proscrit la prostitution et fait fermer temporairement les quartiers de plaisirs. À leur réouverture, le gouvernement a fixé un tarif officiel pour les services des geishas.
Jusqu'au début du XXe siècle, les geishas étaient considérées comme des références en matière de mode. Avec l'occidentalisation du Japon dans les années 1920-1930, certaines geishas adoptèrent des styles occidentaux, mais beaucoup s'opposèrent à cette modernisation et se positionnèrent comme gardiennes des traditions japonaises, un rôle qu'elles conservent aujourd'hui.
La formation rigoureuse : l'apprentissage des arts traditionnels japonais
Devenir geisha représente un travail intensif nécessitant des années de formation. Autrefois, les jeunes filles étaient vendues par leurs familles pauvres aux okiya (maisons de geishas) dès l'âge de 6 ans. Aujourd'hui, la formation ne débute pas avant 15 ans, et les jeunes filles doivent embrasser cette carrière de leur plein gré, généralement après avoir terminé leur scolarité obligatoire.
La formation commence souvent par une période appelée "minarai" (apprentissage par l'observation), durant laquelle les jeunes filles suivent et observent les geishas confirmées. Elles apprennent ainsi les bases de différents arts traditionnels : le chanoyu (cérémonie du thé), la poésie et la littérature japonaise, l'ikebana (composition florale), la musique (shamisen, tambours traditionnels, flûte japonaise), le port du kimono et l'art de la conversation.
Les apprenties, appelées "maiko" à Kyoto, complètent leur formation en accompagnant les geishas confirmées lors de leurs rendez-vous. Une relation de "sœurs" se crée alors : la geisha plus âgée transmet son savoir à la plus jeune et l'introduit progressivement dans le cercle fermé des geishas. La maiko doit se faire remarquer et construire sa propre clientèle.
L'accession au statut de geisha est marquée par la cérémonie du "erikae" (changement de col), où le col rouge de l'apprentie est abandonné au profit du col blanc, réservé aux geishas confirmées. Cette formation exigeante permet aux geishas de maîtriser les danses traditionnelles japonaises, la musique, et d'acquérir une culture générale leur permettant de converser sur tous les sujets avec leur clientèle aisée.
Les codes esthétiques des geishas : maquillage, coiffure et tenue vestimentaire
L'univers des geishas est régi par des codes esthétiques extrêmement précis qui touchent à tous les aspects de leur apparence. Le maquillage des maiko est particulièrement reconnaissable : leur visage est recouvert d'une épaisse couche de poudre de riz blanche, la bouche est teintée de rouge vif, et les yeux et sourcils sont redessinés avec du noir. Plus elles gagnent en expérience, moins les geishas confirmées (geiko) sont contraintes de se maquiller. Au-delà de 30 ans, elles peuvent réserver ce maquillage aux grandes occasions, laissant place à leur beauté naturelle.
Les geishas portent exclusivement des kimono de soie lors de leurs sorties, fermés par une large ceinture (obi) nouée dans le dos. La forme du nœud révèle l'âge et le statut de la geisha : un nœud avec une traîne (darari obi) est porté par les maiko, tandis qu'un nœud court (taiko musubi) est l'apanage des geishas plus âgées et confirmées. De même, les couleurs vives et les motifs sont généralement réservés aux plus jeunes.
Revêtir un kimono est une tâche complexe en raison du poids et de la complexité des tissus. Un habilleur professionnel assiste souvent les geishas dans cette tâche - c'est d'ailleurs le seul homme autorisé à pénétrer dans l'okiya. Les kimonos, traditionnellement faits à la main, représentent un investissement considérable, coûtant plusieurs milliers d'euros.
Les coiffures des geishas sont des chignons traditionnels très sophistiqués, retenus par des peignes et des épingles à cheveux (kanzashi). Pour préserver leur coiffure qui doit rester intacte pendant plusieurs jours, les geishas dorment en utilisant un repose-nuque (takamakura) afin d'éviter que leur tête ne touche le sol. De nos jours, certaines utilisent des perruques pour éviter les problèmes de calvitie liés à la tension exercée sur les cheveux.
Le rôle social et artistique des geishas dans la société japonaise
Les geishas occupent une place unique dans la société japonaise en tant que gardiennes de la culture et des traditions. Elles incarnent le comble du raffinement japonais et sont profondément respectées pour leur rôle dans la préservation des arts traditionnels. Contrairement à l'image souvent véhiculée en Occident, les geishas ne sont pas des prostituées mais des artistes accomplies dont la principale fonction est de divertir par leurs talents artistiques.
Le travail principal des geishas consiste à participer aux banquets (zashiki) qui se déroulent dans des maisons de thés (ochaya) ou des restaurants traditionnels. Lors de ces événements, elles mettent à profit leurs compétences artistiques pour divertir une clientèle fortunée composée principalement d'hommes d'affaires, de politiciens ou de riches particuliers. Elles excellent dans l'art de la conversation et possèdent une grande culture générale qui leur permet d'interagir avec aisance dans ces cercles élitistes.
Traditionnellement, tous les clients fortunés ne pouvaient pas solliciter les services de geishas à leur guise. Il fallait être recommandé ou introduit par des clients existants. C'est encore largement le cas aujourd'hui, bien que certaines geishas proposent désormais des expériences culturelles destinées aux touristes, notamment à travers la cérémonie du thé ou des spectacles publics comme les Les arts traditionnels au Gion corner.
Les services des geishas sont facturés en fonction du temps passé en leur compagnie. Les clients paient également pour les repas et les boissons consommés lors de la rencontre. Une particularité de ce système est que la facture, souvent salée, était traditionnellement envoyée quelque temps après la rencontre, témoignant de la relation de confiance établie avec la clientèle.
La vie quotidienne dans une okiya : hiérarchie et organisation
Les geishas vivent dans des quartiers réservés appelés hanamachi (花街, "villes fleuries"), dont les plus célèbres se trouvent à Kyoto, comme Gion et Pontochô. Elles sont rattachées à une maison de geishas, l'okiya, même si toutes n'y vivent pas. Ces maisons sont dirigées par une femme appelée "okasan" (mère) qui gère l'établissement et veille sur ses "filles".
La structure d'une okiya s'apparente à une structure familiale où les geishas plus âgées sont considérées comme les "grandes sœurs" des plus jeunes. L'okiya prend en charge la formation des apprenties, leur fournit le logement, les kimonos et l'équipement nécessaire, en échange de quoi elle perçoit une partie de leurs revenus jusqu'au remboursement des frais engagés.
Une fois leur dette acquittée, les geishas peuvent choisir entre deux modes de vie : continuer à vivre dans l'okiya qui leur fournit logement et kimonos mais prélève une part de leurs gains, ou devenir "indépendantes" (jimae). Dans ce second cas, elles doivent financer elles-mêmes leurs vêtements et équipements, mais conservent la quasi-totalité de leurs revenus. Elles restent néanmoins rattachées à leur okiya qui leur sert d'agence et perçoit une commission.
Les relations entre geishas forment souvent de véritables "lignées". Chaque apprentie doit trouver une "grande sœur" (oneesan) qui lui enseigne le métier et l'introduit dans le milieu. Cette relation est officialisée lors d'une cérémonie appelée "san san ku do", où elles boivent trois gorgées dans trois coupes de saké, symbolisant la création d'un lien. À cette occasion, l'apprentie choisit son nom de geisha, souvent inspiré de celui de son oneesan.

Geisha à Kyoto
Les geishas au XXIe siècle : entre tradition et modernité
Au XXIe siècle, la profession de geisha a considérablement évolué tout en préservant ses traditions séculaires. De nos jours, devenir geisha est un choix volontaire qui se fait généralement à l'adolescence, vers 17 ou 18 ans, alors qu'autrefois les jeunes filles entraient dans les maisons de geishas dès leur enfance. L'apprentissage, bien que toujours long et difficile, s'est adapté aux réalités contemporaines.
Le nombre de geishas a drastiquement diminué, passant de plusieurs milliers à l'époque Edo à moins de 200 aujourd'hui. Cette baisse s'explique par l'émancipation des femmes dans la société japonaise moderne, qui ont désormais accès à d'autres opportunités professionnelles offrant indépendance et stabilité financière. Paradoxalement, on observe ces dernières années un regain d'intérêt pour cette profession, notamment grâce à une meilleure communication via les médias traditionnels et numériques.
Les geishas d'aujourd'hui doivent concilier respect des traditions et adaptation au monde moderne. Certaines maintiennent une présence sur les réseaux sociaux, participent à des événements culturels internationaux ou proposent des expériences accessibles aux touristes, comme les Geisha Evenings à Kanazawa. Ces initiatives contribuent à la préservation et à la diffusion de leur art tout en assurant la viabilité économique de leur profession.
Malgré ces évolutions, l'essence du métier de geisha reste inchangée : elles demeurent des artistes dévouées à la maîtrise et à la transmission des arts traditionnels japonais. Leur rôle de gardiennes culturelles est plus important que jamais dans un Japon en constante modernisation, où elles incarnent un lien vivant avec le patrimoine artistique du pays.
Où rencontrer des geishas au Japon : les hanamachi célèbres
Si vous souhaitez apercevoir ou rencontrer des geishas lors de votre voyage au Japon, certains quartiers historiques offrent les meilleures chances. Ces quartiers, appelés hanamachi ("villes fleuries"), sont les lieux où les geishas vivent, s'entraînent et exercent leur art.
Kyoto reste le berceau historique des geishas et la ville où vous aurez le plus de chances d'en croiser. Le quartier de Gion, particulièrement les rues Hanamikoji-dori et Shirakawa-minami-dori, est le plus célèbre. En vous y promenant en début de soirée, vous pourriez apercevoir des geishas ou des maiko se rendant à leurs rendez-vous. Une Balade nocturne à Gion organisée peut augmenter vos chances de les observer dans leur environnement naturel.
D'autres quartiers de Kyoto abritent également des communautés de geishas : Pontochô, avec sa ruelle étroite longeant la rivière Kamogawa ; Miyagawachô, situé près du temple Kennin-ji ; Kamishichiken, le plus ancien et le plus petit des hanamachi de Kyoto ; et Shimabara, un quartier historique moins fréquenté par les touristes.
À Tokyo, bien que moins nombreuses qu'à Kyoto, les geishas exercent dans plusieurs quartiers traditionnels : Asakusa, avec son atmosphère de vieux Tokyo ; Kagurazaka, anciennement un hanamachi important ; et Shinbashi, où se trouvent encore quelques maisons de geishas actives.
Pour une expérience plus immersive que la simple observation, vous pouvez assister à des spectacles publics où se produisent des geishas. À Kyoto, le théâtre Gion Corner propose des représentations quotidiennes des arts traditionnels, incluant des danses de maiko. Pendant le printemps, les festivals de danse comme le Miyako Odori (Danse de la Capitale) et le Kamogawa Odori (Danse de la rivière Kamo) offrent l'opportunité de voir les geishas performer sur scène.
Pour une expérience encore plus authentique, certains ryokan (auberges traditionnelles) et restaurants haut de gamme peuvent organiser des dîners en compagnie de geishas, bien que ces services soient coûteux et souvent réservés à une clientèle régulière ou recommandée. Découvrez toutes les Activités à Kyoto pour enrichir votre séjour dans cette ville chargée d'histoire et de traditions.