Maglev : le futur train à sustentation magnétique
- Publié le : 22/04/2025
- Par : J.L.
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Le train à sustentation magnétique, ou Maglev (de l'anglais Magnetic Levitation), représente une révolution dans le monde ferroviaire. Cette technologie permet aux trains de littéralement "voler" au-dessus des rails grâce aux forces électromagnétiques, éliminant ainsi la résistance au roulement et permettant d'atteindre des vitesses extraordinaires - jusqu'à 603 km/h, record établi au Japon en 2015. Depuis plus d'un siècle, cette technologie fascine les ingénieurs, mais son développement commercial reste limité, avec seulement quelques lignes en service dans le monde. Face aux défis de mobilité rapide, écologique et efficace du XXIe siècle, le Maglev pourrait-il devenir le transport ferroviaire du futur ? Entre prouesses techniques, coûts d'infrastructure et défis énergétiques, explorons ce mode de transport révolutionnaire qui repousse les limites de la vitesse.
Les principes technologiques de la sustentation magnétique
Le Maglev, abréviation de "SuperconductingMagneticLevitation" au Japon, est un système de monorail à sustentation électromagnétique qui permet au train de ne pas être en contact direct avec les rails. Contrairement aux trains conventionnels, il lévite grâce à des principes physiques qui reposent sur les forces magnétiques. Il existe deux principales technologies de sustentation magnétique.
La première, appelée sustentation électromagnétique (EMS), utilise des électroaimants dans le train qui l'attirent vers une voie magnétiquement conductrice. Le train enveloppe la voie et des électroaimants fixés sous le véhicule sont orientés vers le haut pour le soulever. Cette technologie permet aux trains de léviter à toutes les vitesses, même à l'arrêt, mais nécessite des systèmes de rétroaction sophistiqués pour maintenir une distance constante d'environ 15 mm avec le rail.
La seconde, la sustentation électrodynamique (EDS), utilise des électroaimants supraconducteurs ou des aimants permanents qui créent un champ magnétique induisant des courants dans les conducteurs métalliques de la voie. C'est la méthode employée par le SCMaglev japonais qui utilise des bobines supraconductrices maintenues à environ -269°C grâce à un circuit d'azote liquide et d'hélium liquide. Cette technologie est plus stable mais ne fonctionne qu'à partir d'une certaine vitesse, nécessitant des roues pour les déplacements à basse vitesse.
Histoire et développement du Maglev : des premières expérimentations aux lignes commerciales
L'histoire des trains à sustentation magnétique commence au début du XXe siècle. En 1912, le franco-américain Émile Bachelet obtient un brevet pour son "appareil de transmission par lévitation", présentant en 1914 à Londres la première maquette de démonstration d'un train à sustentation magnétique. Les recherches se poursuivent avec l'Allemand Hermann Kemper qui obtient un brevet en 1934, mais ses travaux sont interrompus par la Seconde Guerre mondiale.
C'est en 1962 que le Japon se lance dans des recherches approfondies sur le Maglev. Une première ligne d'essai est construite dans le département de Miyazaki en 1977, puis une deuxième, longue de presque 50 km, en 1992 dans la préfecture de Yamanashi, près du Mont Fuji. Cette ligne permet d'effectuer de nombreux tests, établissant un premier record du monde de vitesse à 581 km/h en 2003.
En Allemagne, les recherches reprennent en 1973 à l'université technique de Brunswick. En 1979, le Transrapid 05 devient le premier train à sustentation magnétique au monde à transporter des passagers lors d'une exposition à Hambourg. L'Allemagne développe ensuite une ligne d'essai dans la région d'Emsland en 1984, mais après l'accident de Lathen en 2006 qui cause la mort de 23 personnes, le projet est définitivement abandonné en 2008.
En 2015, le Maglev japonais établit un nouveau record mondial à 603 km/h avec des passagers à bord, dépassant le record du TGV français (574,8 km/h). Ces performances démontrent le potentiel extraordinaire de cette technologie qui continue d'évoluer malgré les défis techniques et économiques.
État des lieux : les lignes Maglev en service dans le monde
Après près de soixante années de recherche et d'essais, seules quelques lignes Maglev sont actuellement en service commercial dans le monde, pour une longueur cumulée d'environ 74 km. La plus célèbre est sans doute le Transrapid de Shanghai, une liaison centre-ville-aéroport de 30 km inaugurée en janvier 2004. Avec une vitesse maximale de 431 km/h, ce train parcourt la distance en seulement 7 minutes et 20 secondes, ce qui en fait le premier et le seul train à sustentation magnétique à grande vitesse en utilisation commerciale régulière.
Au Japon, la ligne Linimo, longue de 8,9 km à Aichi, a été mise en service en 2005. Avec une vitesse maximale de 100 km/h, elle offre une solution de transport urbain innovante mais reste bien en-deçà des performances du Transrapid chinois.
La Corée du Sud possède également deux lignes Maglev : une ligne d'un kilomètre au parc des expositions de Daejeon, et depuis 2016, une ligne de 6,1 km reliant la station Yongyu à l'aéroport d'Incheon.
La Chine, en plus du Transrapid de Shanghai, a développé plusieurs autres lignes Maglev. La ligne Maglev express de Changsha, en service depuis 2016, relie la gare de Changsha-Sud à l'aéroport international de Changsha-Huanghua sur 18,6 km. Plus récemment, la ligne S1 du métro de Pékin fonctionne sur 10,2 km à l'ouest de la capitale chinoise depuis 2017.
Ces réalisations, bien que limitées en nombre, démontrent la viabilité commerciale de cette technologie, particulièrement pour des liaisons aéroport-centre-ville ou des applications de transport urbain.
Les projets d'avenir : Chine, Japon et autres initiatives internationales
Le projet le plus ambitieux actuellement en développement est sans conteste la ligne Shinkansen Chūō au Japon. Ce projet prévoit une liaison Tokyo-Nagoya (286 km) en 40 minutes, à une vitesse commerciale de 505 km/h. Les travaux sont en cours et l'ouverture, initialement prévue pour 2027, a été reportée à 2034. La ligne sera ensuite prolongée jusqu'à Osaka pour 2037, permettant de parcourir les 438 km entre Tokyo et Osaka en seulement 1h07.
Ce train Maglev desservira les gares de Shinagawa (Tokyo), Kofu, les Alpes sud japonaises, Nagoya, Nara et Osaka. Ce projet titanesque, dont 80% du tracé sera souterrain, représente un investissement colossal de plus de 70 milliards d'euros. Il permettra de soulager Le Shinkansen Tokaido classique, déjà saturé.
La Chine nourrit également de grandes ambitions pour le Maglev. Dans son plan de transport 2023-2035, la municipalité de Canton annonce plusieurs lignes Maglev à grande distance, notamment entre Canton et Pékin (3h30 de trajet contre 7h30 aujourd'hui) et entre Canton et Shanghai (3h contre 7h actuellement). Ces trains devraient circuler à une vitesse d'au moins 600 km/h. La Chine a même réalisé un essai en tunnel atteignant les 1 000 km/h sur une portion de 2 kilomètres.
D'autres initiatives sont en cours dans le monde. La société polonaise Nevomo développe depuis 2017 une technologie permettant d'adapter les voies conventionnelles à la sustentation magnétique. Leur système "MagRail" pourrait permettre d'atteindre des vitesses de 550 km/h sur des lignes de TGV existantes. Un premier test réussi a été réalisé en septembre 2023, et un partenariat a été signé avec la SNCF en mars 2023 pour évaluer cette technologie.
Aux États-Unis, JR Central et Northeast Maglev travaillent sur un projet de ligne entre Washington D.C. et New York, avec un premier tronçon entre D.C. et Baltimore estimé à 10 milliards de dollars. S'il est construit, le train réduirait le temps de trajet entre ces deux villes à une heure, contre trois actuellement.
Avantages et inconvénients du Maglev par rapport aux trains conventionnels
Les trains à sustentation magnétique présentent de nombreux avantages significatifs par rapport aux trains conventionnels. Tout d'abord, l'absence de contact physique entre le train et la voie élimine la résistance au roulement, permettant d'atteindre des vitesses bien supérieures. Cette technologie offre également une meilleure accélération et des capacités de franchissement de pentes plus fortes (jusqu'à 40‰), limitant le nombre de tunnels et d'ouvrages d'art nécessaires.
Sur le plan de la sécurité, le risque de déraillement est presque nul dans des constructions comme le Transrapid, grâce au système d'enveloppement de la voie par le train. Le confort des passagers est également amélioré, avec moins de vibrations et de bruit. En effet, comme la principale source de bruit provient de l'air déplacé plutôt que du contact des roues avec les rails, les trains Maglev sont généralement plus silencieux qu'un train conventionnel à vitesse équivalente.
En matière de maintenance, les voies Maglev nécessitent moins d'entretien que les rails traditionnels qui subissent une usure mécanique importante, surtout à grande vitesse. L'entretien des véhicules est également réduit et basé sur les heures de fonctionnement plutôt que sur la vitesse ou la distance parcourue.
Cependant, cette technologie présente aussi d'importants inconvénients. Le plus critique est l'incompatibilité avec les réseaux ferroviaires existants : un train Maglev nécessite une infrastructure spécifique et ne peut pas emprunter les voies conventionnelles, contrairement aux TGV qui peuvent circuler sur le réseau classique, même à vitesse réduite.
Le coût d'infrastructure est extrêmement élevé, notamment pour les systèmes à sustentation électrodynamique qui utilisent des aimants supraconducteurs onéreux. La consommation d'énergie est également significative, particulièrement à basse vitesse où la sustentation peut consommer jusqu'à 15% d'énergie supplémentaire par rapport à un métro ou un train léger.
Enfin, certains systèmes Maglev, notamment le type japonais SCMaglev, génèrent des champs magnétiques puissants qui pourraient affecter les personnes portant des stimulateurs cardiaques ou des supports de stockage magnétiques, nécessitant l'utilisation d'un blindage magnétique.
Les défis économiques et techniques de l'implantation du Maglev
L'implantation à grande échelle des trains Maglev se heurte à plusieurs défis majeurs, dont le premier est indéniablement le coût prohibitif des infrastructures. Le projet japonais Chuo Shinkansen illustre parfaitement cette problématique : initialement estimé à 5,52 trillions de yens (42,5 milliards d'euros) pour le tronçon Tokyo-Nagoya, son coût a déjà été réévalué à 7,04 trillions de yens (70 milliards d'euros). Ces investissements colossaux sont difficiles à justifier économiquement, particulièrement dans un contexte post-pandémie où les besoins en déplacements professionnels pourraient être durablement modifiés.
Sur le plan technique, les contraintes sont également importantes. Les lignes Maglev nécessitent des tracés extrêmement rectilignes avec des rayons de courbe très larges pour maintenir des vitesses élevées. Dans le cas du projet japonais, cela implique que 86% de la ligne Tokyo-Nagoya sera souterraine, avec des gares situées jusqu'à 40 mètres sous terre, ce qui ajoute encore aux coûts et aux défis techniques.
La consommation énergétique représente un autre défi majeur. Selon certaines estimations, le Maglev japonais consommerait trois à cinq fois plus d'énergie que le Shinkansen conventionnel, ce qui pose question dans un contexte de transition énergétique. Aux heures de pointe, la ligne Chuo Shinkansen nécessiterait 270 000 kW d'électricité pour une vitesse de déplacement maximale seulement 1,7 fois supérieure à celle des trains Shinkansen ordinaires.
Les contraintes environnementales sont également préoccupantes. Au Japon, la construction des tunnels pour le Maglev suscite des inquiétudes concernant l'écoulement des eaux souterraines. L'exemple de la préfecture de Shizuoka est révélateur : les autorités locales s'opposent au projet car un tunnel pourrait réduire le débit de la rivière Oigawa de deux tonnes d'eau par seconde, menaçant l'agriculture locale.
Enfin, l'acceptabilité sociale de ces projets n'est pas garantie. Au Japon, de nombreux habitants sont contraints de déménager pour faire place au nouveau train. À Sagamihara, dans la préfecture de Kanagawa, 85% des habitants interrogés se sont déclarés opposés au projet, malgré les indemnisations proposées.
Perspectives d'évolution : tubes sous vide et technologies de nouvelle génération
L'avenir des trains à sustentation magnétique pourrait passer par des innovations encore plus révolutionnaires, comme les tubes sous vide. Cette technologie, proposée notamment par le défunt projet suisse Swissmetro et reprise dans le concept d'Hyperloop popularisé par Elon Musk, consiste à faire circuler les trains Maglev dans des tunnels où l'air est partiellement évacué, réduisant drastiquement la résistance aérodynamique qui représente la principale limite à la vitesse au-delà de 150 km/h.
La Chine est à la pointe de ces développements avec son projet d'Hyperloop Maglev. En août 2024, le pays a réussi un test clé dans un tube à faible pression à Datong, validant l'intégration des systèmes. L'objectif ambitieux est de réduire le trajet Pékin-Shanghai à seulement 90 minutes, ce qui nécessiterait des vitesses dépassant largement les 1 000 km/h.
D'autres innovations concernent les aimants supraconducteurs à "haute température". Le train SCMaglev japonais a réussi des essais en utilisant la supraconductivité à -196°C (température de l'azote liquide), plus facile à maintenir que les -270°C des aimants supraconducteurs conventionnels. Ces avancées pourraient réduire significativement les coûts d'exploitation.
La technologie des aimants permanents connaît également des progrès significatifs. Le "Red Rail" chinois, testé dans la province du Jiangxi, utilise des minéraux rares qui créent des aimants avec une force de répulsion constante. Cette innovation permet une lévitation ne nécessitant aucune électricité, réduisant drastiquement la consommation énergétique. Grâce à ses ressources minières, la Chine produit 80% de ces aimants "permanents".
L'intégration de l'intelligence artificielle pour gérer le pilotage des trains représente une autre voie d'évolution prometteuse. La Chine prévoit de faire rouler le Red Rail sans intervention humaine, l'IA gérant l'ensemble des opérations, améliorant potentiellement la sécurité et l'efficacité du système.
Enfin, des approches hybrides comme celle de la société Nevomo visent à créer des technologies permettant une transition progressive vers la sustentation magnétique. Leur système "MagRail Booster" permet de moderniser des wagons existants en leur ajoutant une assistance électromagnétique pour l'accélération, sans nécessiter de lévitation complète.
Pour explorer davantage le monde fascinant des trains à sustentation magnétique, vous pouvez visiter le musée Linear près de Yamanashi au Japon, accessible via http://linear-museum.pref.yamanashi.jp/english/index.html. Cette visite vous permettra de comprendre en profondeur cette technologie révolutionnaire qui, malgré ses défis, pourrait transformer radicalement notre façon de voyager au cours du XXIe siècle.
Adresse - Horaires - Accès
Adresse
Horaires
De 9h à 17h. Fermé le lundi.Prix
Adulte : 420 yen (3,40 euros).
Jeunes (16 à 18 ans) : 310 yen (2,50 euros).
Enfants (6 à 15 ans) : 200 yen (1,60 euro).
Un tirage au sort est organisé chaque jour pour les personnes voulant participer à un essai à bord du Maglev.Site Internet
http://linear-museum.pref.yamanashi.jp/english/index.html